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Page:Mérimée - Colomba et autres contes et nouvelles.djvu/408

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sont sublimes dans leur impé-né-trabili-té. Point de mal dans la nature qui n’ait son correctif. Quel poison si terrible par sa violence qui ne soit combattu avec avantage par les remèdes que nous offre sa bienfaisante main ? Et, par une prévoyance que l’on ne saurait assez bénir, nous voyons ces remèdes accumulés avec une tendre profusion dans les climats où l’homme semble exposé aux plus grands dangers. Les voyageurs qui ont pénétré dans ces contrées toujours desséchées par un soleil de plomb nous parlent de ces serpents affreux dont une mort inévitable semble devoir suivre les plus petites morsures. Ah ! qu’ils n’oublient pas de nous dire que ces reptiles dangereux cherchent ordinairement leur refuge sous les larges feuilles de plantes dont les sucs, distillés dans la blessure, raniment aussitôt la malheureuse victime, et la rendent bientôt à la santé. Le mancenillier, dont l’ombre seule donne la mort, ne croît, par un ordre divin, que sur le bord des flots ; et l’eau de mer, tout le monde le sait, est un sûr contre-poison au venin qu’il exhale. Ainsi, messieurs, quand nous voyons un peuple livré à de funestes dissensions ou gémissant sous la verge de fer d’un tyran, ne nous livrons pas à un désespoir stérile, mais cherchons plutôt autour de nous le remède ou le médecin que la Providence a sans doute en réserve. »

Le chevalier de Thimbray, à part. Tout cela sent trop la pharmacie.

Le comte, lisant. « Oui, messieurs, la lecture de l’histoire, qui n’est que trop souvent un amusement pour l’homme du monde, serait, par les crimes dont elle trace le hideux tableau, un sujet de dégoût et d’horreur pour le philosophe ami de l’humanité, si la pensée consolante qu’une Providence cachée préside aux destinées des empires ne venait soutenir le livre prêt à échapper de sa main, et lui montrer que, si trop souvent quelques hommes, oublieux des préceptes divins, et s’abandonnant en