Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/104

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

une légère satisfaction en apercevant à l’angle du vestibule une natte bordée d’une pile de coussins : c’était bien tentateur à l’heure ardente de la sieste ; le nabab devina la pensée de son hôte, et l’invita du geste à goûter les douceurs du sommeil de midi. L’Indien n’attendit pas une seconde invitation ; il nous fit un léger salut de la main, comme pour nous congédier poliment et nous dire

À bientôt !

— Pauvre homme ! me dit à voix basse le nabab en m’entraînant dans les jardins, laissons-le dormir ; le sommeil est son seul bonheur.

Alors, je voulus savoir le nom ou l’histoire de ce pauvre homme, traité en prince, et je priai instamment le nabab de satisfaire une curiosité poussée à bout. Aussitôt un nom fut prononcé à mon oreille… un nom qui aurait fait tressaillir sur leurs piédestaux les statues de la pagode, si elles eussent été sculptées par les mains pieuses autant qu’habiles des artistes sectateurs de Siva.

L’histoire promise se rattache à ce nom ; il est temps de la commencer ; mais je dois encore reprendre les choses d’un peu haut, avant d’arriver au nom de l’Indien.

Louis IX et Louis XVI sont peut-être les seuls rois qui aient eu de l’imagination. Ils ont cru tous les deux que le monde ne finissait pas aux limites de la Méditerranée ; ils ont cru tous les deux que la France devait être une métropole de colonies lointaines, et une missionnaire de civilisation catholique. Tous les deux ont dédaigné les petites conquêtes de clochers voisins et l’envahissement des fleuves limitrophes ; ils pensaient au Nil et au Gange et ne se doutaient pas de