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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/105

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l’existence du Rhin et de l’Escaut. Les mesquines ambitions n’allaient point à leur génie aventureux ; une province de plus ou de moins reliée à la carte française leur paraissait une superfétation bourgeoise, lorsque la mappemonde leur montrait des jachères immenses, les grands fleuves coulant au grand soleil, et les déserts féconds, les régions splendides, ces zones lointaines qui attendaient la charrue de la France et la parole de Dieu.

Louis IX a eu le temps de mettre deux fois en action ses rêves divins et de déposer dans les sillons de l’Orient les semences françaises. Le même bonheur n’a pas été accordé à son petit-fils. Au moment où ce malheureux roi, dans son cabinet de Versailles, traçait l’itinéraire de Lapeyrouse, et, tirant du néant une marine française, rêvait les colonies de l’Inde, quelques stupides financiers vinrent lui dire que tout était perdu, parce qu’il y avait un déficit dans le trésor. Louis XVI, à cette nouvelle, laissa tomber son atlas, son compas, ses plans, tout l’avenir colonial de la France, et convoqua les états généraux et les avocats des bailliages pour combler le déficit. Un mot à jamais mémorable fut bientôt prononcé : Périssent les colonies plutôt qu’un principe ! Faute de français en tout genre, qui n’a pas comblé le déficit, ne nous a pas fait gagner un principe, et nous a fait perdre l’Océan.

Mais en France, on est souvent exposé à de semblables aberrations, et avec des gens qui veulent parler même quand ils n’ont rien à dire on doit s’attendre à tout.

Au moment où Louis XVI recevait une lettre indienne qui pouvait sauver la France et lui donner la royauté du globe,