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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/120

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et convalescents, du rivage de Saint-Jean-d’Acre au rivage et à la victoire d’Aboukir.

« Le principe, les colonies et Typpoo-Saïb périrent ensemble ; et pendant que nous parlions beaucoup, selon notre usage en France, les Anglais agissaient beaucoup, selon leur usage aussi : nos avocats construisaient des discours, leurs marins construisaient des vaisseaux nous eûmes le Directoire et le conseil des Cinq-Cents ; ils eurent le Mysore et la compagnie des Indes. En 1800, tout était consommé. »

Et ce jour-là nous prolongeâmes longtemps encore notre entretien chez le nabab Edmond, pour attendre le réveil du prince de Mysore. Au milieu de tant de souvenirs évoqués par un nom, la présence du fils de Typpoo-Saïb avait quelque chose de surnaturel. Nous avons tous vu cette belle gravure qui représente la famille de Typpoo-Saïb livrée au pouvoir de lord Cornwallis après la conquête du Mysore ; c’est lamentable comme le spectacle de la famille de Darius aux genoux d’Alexandre, et grâce aux costumes, aux paysages et aux teintes jaunâtres des deux gravures, on croirait que ces deux catastrophes appartiennent à la même antiquité. Aussi, lorsque le fils de Typpoo-Saïb se leva sur sa natte et s’avança vers nous avec son costume oriental, mon cœur battit aussi fort que si le fils de Darius se fût présenté à moi. Le prince échangea quelques paroles avec le nabab, et marcha d’un pas assuré vers l’embarcadère de la Tamise, où le fly était amarré. Un sourire et un geste lent furent son adieu : il s’embarqua et partit. Je suivis longtemps du regard cette petite barque à vapeur ramenant à Londres, le 2 juillet 1838, un prince indien, fils de cet héroïque Typpoo-Saïb qui avait