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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/124

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colonnes noires qui composent matériellement l’hôpital de la marine anglaise. J’aime mieux notre édifice des Invalides, cette immense tente de granit suspendue au ciel par la croix de sa coupole avec son inscription sublime écrite de la main : de Louis XIV Militibus in æternum providens has ædes posuit ! Au reste, il n’y a que très-peu de marins anglais à l’hôtel des Invalides de Greenwich ; en général, on n’y parle qu’allemand ; j’y ai vu aussi des Espagnols et des Italiens. Ceux-là ne doivent pas être à leur aise dans l’atmosphère de Greenwich ; l’hiver y dure un peu moins d’un an chaque année ; le soleil a toujours le tort d’y être absent.

L’Angleterre est un pays qui étonne ou fait sourire ; on la traverse en y semant les points d’admiration et les pointes d’épigramme ; le géant s’y déguise souvent en nain. Après une exhibition de tableaux de peintres anglais à la galerie nationale de Charing-Cross, une des plus amusantes choses qu’on puisse voir est le musée maritime de Greenwich. Les Anglais sont si justement jaloux de leurs admirables gravures, qu’ils n’ont pas permis à leurs peintres d’être coloristes et dessinateurs. En 1838, Cimabuë n’était pas encore arrivé en Angleterre. J’éprouvais donc quelque embarras en montrant les tableaux des victoires anglaises au nabab Edmond. Heureusement pour moi, le nabab n’avait pas eu le temps, dans ses voyages, de se faire connaisseur, et il me croyait toujours sur parole quand je lui désignais une toile avec un geste et une formule d’admiration. Ce geste et cette formule se ressemblaient toujours, parce que les tableaux de ce musée se ressemblent tous. Quelquefois je faisais admirer les cadres, qui sont très-beaux, il est vrai, presque tous brodés