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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/126

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se battent, ils sont invisibles. Voilà ce que comprennent admirablement les peintres anglais de Greenwich. Nos artistes, et Gudin surtout, ont commis une grande faute en s’écartant de ce principe ; quand ils peignent deux vaisseaux en train de se canonner à brûle-pourpoint, on voit très-bien les vaisseaux ! Grâce au système anglais, on a pu confier la peinture de cet immense musée de Greenwich à plus de mille peintres. Où trouverait-on, en France, mille peintres de marines ? En général, ce sont, m’a-t-on dit, des marins allemands, tirés au sort, qui ont mis du bleu, du gris et du rouge sur ces toiles ; on a voulu faire gagner quelques salaires à ces pauvres marins, et on a bien fait. Il résulte peut-être un peu de monotonie dans l’ensemble de ce grand travail de peintures maritimes, mais la ciselure et l’ornementation des cadres sont variées à l’infini. Jamais le néant, gris ou bleu, n’a été mieux encadré.

Le nabab m’accabla de thousand thanks pour lui avoir montré cette magnifique collection de cadres dorés. Mais le point d’admiration n’était pas loin !

Ici le cadre était modeste ; c’est une vitre vulgaire, placée à l’extrémité de la galerie, et qui couvre l’uniforme que portait Nelson à Trafalgar. Une balle, partie des huniers du capitaine Lucas, a troué cet uniforme au moment où le Victory coupait la ligne française dans les eaux du Bucentaure. Les yeux se baignent de larmes devant la relique du glorieux amiral.

J’avais sur moi un autographe de Nelson, don précieux reçu d’une noble main ; c’est une lettre très-longue, écrite de la main gauche, car la droite avait été coupée par un boulet