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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/153

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il se donne toutes les fantaisies de ses rêves et les paie comptant ; mais quand ce poëte prince est Indien, la réalisation d’un caprice ne connaît aucun obstacle. Faut-il incendier une forêt pour tuer une panthère hydrophobe on l’incendie. Faut-il dessécher un lac pour en faire une rizière, on supprime le lac. Faut-il enfoncer vingt portes de bronze pour enlever une brahmanesse, on traite l’airain comme de la porcelaine du Japon. Rien ne coûte à ces hommes, qui ont, un jour de caprice, haché à morceaux deux ou trois montagnes pour faire le temple de Doumar-Leyna.

Zeb-Sing, ayant rencontré un fakir mourant de faim sur la route de Solo, détacha un diamant de sa boutonnière et le lui jeta en disant :

— Ceci te donnera du riz, du vampi, de la noix d’arec et du jambon d’ours de Labiata jusqu’à ta mort.

Le fakir ramassa le diamant, et dit au prince :

— Tu es généreux comme Aureng-Zeb, et tu mérites de porter à ton doigt le fameux diamant Beabib qui vous raconte toutes les histoires qu’on lui demande, au lever du soleil, et laisse apercevoir dans ses facettes les types de femmes les plus merveilleux de l’univers.

— Dis-tu vrai ? demanda le prince.

— Je le jure, par le Désavantar ! répondit le fakir.

À ce serment, la joie illumina le visage bronzé du jeune prince.

— Ce diamant Beabib, demanda-t-il, est-il plus beau que le diamant Couriz ?

Couriz ne pèse que 137 carats.

— C’est vrai, répondit le prince.