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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/156

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— Je n’ai qu’un diamant, un seul, — répondit tristement le brahmane, — mais il m’est précieux comme la lumière du jour. Ce n’est pas un diamant, c’est un ami. Il me console, il me parle, il me réjouit, il m’enchante. Ce diamant recèle un secret dans chacun de ses rayons : le soleil a mis vingt mille ans pour le créer dans un caillou fécond du mont Ni-Kiou ; et pendant ce long espace, tous les événements qui se sont accomplis dans le monde se sont reflétés dans ce diamant, en passant par le soleil ; faites-vous donc une idée des choses innombrables qu’il peut m’apprendre ! Avec lui, je n’ai besoin de rien ; sans lui, j’aurai besoin de tout.

— Sage brahmane, dit le prince, les dieux me gardent de ravaler votre diamant ! Mais vous êtes vieux, et quand même vous vivriez un siècle, comme votre illustre roi Soudraka, jamais vous ne serez assez riche pour restaurer le second étage de la pagode de Ten-Tauli. Tous ces vains plaisirs que vous donne votre diamant sont passagers et périssables ; ils vous fermeront peut-être le jardin du Dieu Bleu, et vous ouvriront une porte des sept enfers où sont les mauvais esprits. Tandis que, si vous avez la vertu de renoncer aux voluptés terrestres, et de restaurer la pagode voisine, vous jouirez éternellement des ineffables et éternelles douceurs du jardin Mandana. Sage brahmane Kosrou, à votre place, je n’hésiterais pas un instant.

— Et que feriez-vous, jeune homme ?

— Je vendrais le diamant dix mille sequins.

— Il est possible, — dit le brahmane, après un moment de réflexion, il est possible que si je trouvais un acheteur…