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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/160

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dien, et que l’œil même du soleil n’a jamais vu, lui qui voit tout.

Le jeune prince, redoutant une ophthalmie, éteignit cette irradiation merveilleuse, en serrant Beabib dans le creux de sa main.

Avec quelle pitié il regarda le monde vulgaire qui s’aplatissait autour de lui. Il était semblable à l’habitant de l’étoile Ibis qui descendrait sur notre terre pour assister à une nuit éclairée par un quart de lune.

Cependant, tout prince qu’il était, il n’oublia pas sa promesse. Il se rendit chez le brahmane Kosrou, et lui raconta sa première vision dans cette harmonieuse langue que parlait Siva, lorsqu’il séduisait les filles des hommes, sous les rosiers des Sept-Pagodes, dans ce paradis terrestre que les barbares nomment Ceylan.

Le sage brahmane écoutait le récit, et ses yeux humides d’une volupté sainte suivaient la vision sur les lèvres du prince Zeb-Sing.

— Mon fils, dit-il au prince, j’ai depuis bien des années sondé du regard les mystères de Beabib, mais jamais je n’ai joui d’une pareille vision. Ce sont les dieux qui t’ont récompensé. Regarde de l’autre côté de ma maison, et vois avec quelle ardeur les ouvriers d’Hyder-Abad travaillent à la restauration de la sainte pagode de Ton Tauli. C’est ton ouvrage, mon fils.

En effet, une splendide corniche couronnait déjà la base du second étage, et laissait voir un superbe cordon de têtes d’éléphants, à trompe courte, avec des crinières de lion. Mille