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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/189

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science que peu de gens possèdent, quoiqu’on la trouve partout.

– Quel est le nom de ce jeune voyageur ? demanda Kosrou.

– Dhervilly.

– Et son pays ?

– La France.

– J’ai entendu parler de la France, dit Kosrou ; c’est un petit pays, pas plus large et plus long que Madagascar. J’ai même vu, dans ma vie, deux ou trois Français. Ce sont des gens qui voyagent peu, par orgueil, comme si le reste du monde ne valait pas la peine d’être vu.

– Soyons tolérants, dit le prince, pour les peuples malheureux que la sagesse du Li-ki et le soleil de l’Inde n’ont pas encore éclairés.

– Vous avez raison, mon fils, dit Kosrou.

– Le voyageur Dhervilly, continua le prince, me rend de véritables services ; je lui raconte et je lui peins sur des feuilles d’ivoire les visions de Beabib, lorsque je ne les comprends pas, parce qu’elles appartiennent sans doute alors à un monde qui m’est étranger. Dhervilly parait saisi de l’étonnement le plus vif, en regardant mes peintures et en écoutant mes récits ; il devine très-bien les notions qui me manquent pour comprendre certaines visions de Beabib, et il remplit toutes ces lacunes en complétant mes récits et en me les rendant le lendemain, écrits par lui-même, avec des mots, des noms, des dates, des phrases, des pays dont je n’avais jamais entendu parler.

C’est ainsi que le voyageur Dhervilly m’a, pour ainsi dire, traduit en histoire française une vision qu’il a appelée lui-