Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ont conservée, et qui retombe sur une face du diamant Beabib, comme un corps sur un miroir. Ces mystères ont été parfaitement expliqués dans un chapitre du Li-ki. Chaque peuple, chaque siècle a vu ses martyrs ; c’est le sacrifice du corps qui fait triompher l’âme. L’Inde a eu même ses martyrs volontaires ; le plus illustre fut le grand roi Soudraka, qui, parvenu à l’âge de cent ans, monta sur un bûcher allumé par lui et brûla son corps pour faire vivre son esprit.

— Sage Kosrou, dit le jeune prince, vos paroles ont toute la douceur du miel de Kerana et tous les parfums des fleurs du Bengador. Je vous rends grâce pour la bonté que vous me témoignez en écoutant mes récits.

Et Zeb-Sing accompagna le brahmane jusqu’au chantier de la pagode de Ten-Tauli et le quitta en s’inclinant devant lui.

Quelques jours après, lorsqu’ils se réunirent de nouveau pour s’entretenir des secrets du diamant Beabib, Zeb-Sing dit à Kosrou :

— Ce matin j’ai demandé une vision à Beabib, selon mon usage, mais les mots, les idées, les images, les noms et beaucoup d’autres choses encore m’ont manqué pour bien vous faire mon récit dans sa clarté habituelle. Dans cette perplexité, je me suis adressé à un jeune voyageur qui demeure dans mon hôtellerie et dont j’ai fait mon compagnon de promenade, parce que j’ai reconnu en lui beaucoup d’instruction et de bon sens.

— Le bon sens est la langue et la science universelle, remarqua le brahmane.

— Oui, continua le prince, mais c’est une langue et une