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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/192

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mois de son mariage, une habile sorcière de Killarney, pour savoir quel serait le destin de l’enfant qui allait bientôt voir le jour.

La sorcière, jugée infaillible dans ses prédictions, fit la réponse suivante :

Une fille naîtra de vous, et elle épousera le vice-roi d’Irlande.

Patrick, bouleversé par cette réponse inattendue, voulut faire quelques observations, mais la sorcière lui ferma la bouche et ne voulut rien écouter. Cette sorcière était laide comme la femme de l’enfer qui a inventé les péchés mortels. La fermière Patrick fit un signe de croix, salua la magicienne, et suivit son mari.

Le soir, les voisins, instruits de la prédiction, affirmèrent tous qu’elle se réaliserait indubitablement, et sans perdre de temps, ils se recommandèrent tous à la haute protection de la future vice-reine d’Irlande. Un mois après, la fermière Patrick mit au monde une fille… On accourut du village pour regarder sa figure… Elle était d’une laideur idéale, et le père même avoua humblement qu’il n’avait jamais rien vu de si laid.

Les voisins commencèrent à douter du destin promis, et leur foi robuste fut un peu ébranlée par ce monstrueux accouchement. La fermière seule, en sa qualité de mère, se révolta contre l’opinion générale, et traita tout le monde d’aveugle, même son mari.

Plusieurs mois s’écoulèrent, et l’enfant croissait en laideur ; chaque jour amenait en relief quelque nouvel incident déplo-