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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/193

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rable sur son visage ; si bien que la mère finit par reconnaître elle-même la fabuleuse laideur de son enfant.

À cette époque, on parlait beaucoup, dans le comté de Kerry, de Menai-Woolf, magicienne des magiciennes ; elle avait établi le sanctuaire de ses nocturnes évocations dans la déserte vallée de Blake-Devil, qui conduit au lac majeur de Killarney. Patrick et sa femme, tourmentés tous deux par la prédiction de la sorcière, résolurent de porter de nouveaux présents et une nouvelle demande à la magicienne Menai-Woolf, qui jouissait de la confiance de tous les villageois du comté.

— Nous verrons bien, dit Patrick, si les deux sorcières seront d’accord dans leurs prédictions.

Menai-Woolf était une femme irlandaise d’une beauté monumentale ; un statuaire l’aurait choisie pour lui emprunter des formes plastiques dignes du temple des géants ou de Jupiter Olympien, en Sicile. Elle avait ce luxe de chevelure ardente, si commune dans les climats de forte végétation ; ses yeux brillaient de cet éclat sombre qu’on admire en été dans les eaux du golfe de Dublin ; son visage, d’une régularité superbe, rappelait les plus beaux types connus et immortalisés par la palette ou le ciseau…

C’est une erreur assez commune de croire que tes magiciennes ont toujours été de laides et vieilles femmes ; Circé, qui a fondé cette race mystérieuse, était d’une beauté homérique ; et dans les âges antiques, les femmes qui se vouaient aux mystères des sciences occultes, soit dans le temple des sibylles de Rome, soit dans les cryptes d’Eleusis, en Égypte, étaient toujours douées d’une grande beauté de visage et de