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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/201

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daine, et se logea dans Sakeville-Street, n° 17. Il s’habilla et habilla sa femme et sa fille, selon la loi des dernières modes, et le premier dimanche venu, après la dernière messe de la cathédrale de Saint-Patrick, il vint se mêler fièrement avec sa famille aux exhibitions ambulantes de Phœnix-Park.

Edith paraissait avoir vingt-cinq ans, car sa taille appartenait aux plus magnifiques proportions de son sexe ; un chapeau, façon Paméla, couronnait sa chevelure ardente sans la couvrir ; des torrents de boucles d’or coulaient sur ses épaules, et encadraient un visage de déesse, un visage où l’éclat de la fraîcheur, la suavité des lèvres, l’émail des dents, adoucissaient la fierté naturelle des traits et du regard.

Au moment où Edith prenait son éventail sur la chaise de l’église, un rayon de soleil descendu des rosaces gothiques de Saint-Patrick anima l’azur orageux de ses yeux, et donna au visage d’Edith un caractère ineffable de grandeur et de solennité. Sa mère la regarda et entra en réflexion.

On sortit de l’église. Edith marchait la première à deux pas de son père et de sa mère.

— Mon ami, — dit l’ex-fermière à son mari, d’une voix émue, — as-tu bien remarqué le visage d’Edith ?

— Comment ! dit l’ex-fermier, je ne remarque, moi, que ce visage ; j’en suis fier comme un roi de son trésor.

— Et ce visage, mon ami, ne te rappelle rien ?

— C’est que, ma chère amie, ce visage ne rappelle rien de connu à personne. Tu vas voir quelle sensation notre fille va produire dans Phœnix-Park !