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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/203

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— En effet, quand j’ai vu la magicienne, mon imagination a été toute bouleversée ; j’aurais volontiers passé un jour à regarder son visage, sa taille et son corps. Quel bonheur d’avoir eu l’idée d’aller faire cette visite à Blake-Devil, il y a seize ans et nous aurions peut-être deux filles comme Edith, si je n’avais pas vu la sorcière de la première prédiction !

— C’est juste remarqua le mari ; enfin contentons-nous de ce que nous avons.

En causant ainsi, ils étaient arrivés à la grille de Phœnix-Park.

Il y avait à cette promenade superbe tout le beau monde de Dublin ; les femmes, en plus grand nombre que les hommes, se faisaient surtout remarquer par cette beauté sympathique qui luit sur tous les visages du beau sexe irlandais. Edith parut… Ce fut comme une éclipse totale ; les étoiles s’effacèrent devant le soleil. Tout devint cadre, il ne resta qu’un tableau.

L’enthousiasme fit explosion ; la foule s’agita comme une mer surprise par l’ouragan ; tous les yeux dévorèrent Edith. Les hommes disaient : Mon Dieu ! qu’elle est belle ! et les femmes s’extasiaient comme les hommes, ce qui est le comble du triomphe pour une beauté.

Patrick donnait le bras à sa femme et baissait modestement les yeux, pour ne pas humilier les autres pères. Edith soutenait cet assaut d’admiration fiévreuse, avec un courage superbe ; la déesse promenait fièrement ses regards sur ses adorateurs. Une femme, qui a la conscience de sa beauté suprême, ne redoute aucune furie d’enthousiasme, même en public.