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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/204

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Cependant la mère d’Edith comprit dans son bon sens villageois que cette sorte d’exhibition était peu convenable, et faisant un geste très-significatif à son mari, elle prit le chemin de la grille du parc.

Un vif mécontentement éclata dans la foule, lorsqu’elle vit qu’on lui enlevait si vite l’objet merveilleux de son admiration. Des voix même se faisaient entendre, qui disaient :

Il n’est pas permis de se retirer d’une promenade avant l’heure des complies. Nous sommes volés. On fermera la grille. Nous irons nous plaindre au vice-roi.

Patrick regarda sa femme, comme pour lui demander encore un tour supplémentaire de promenade ; mais la mère fut inexorable, et la première, d’un pas résolu, elle franchit la grille du parc, en tenant son Edith par la main.

Une semaine s’écoula, et la jeune Edith, recluse dans son appartement, pour cause d’excès de beauté, attendait le dimanche pour jouir d’un nouveau triomphe, mais la mère la conduisit à Saint-Patrick, à la première messe de l’angelus du matin ; la nuit couvrait encore la ville, et l’ite missa est ne fut prononcé qu’à l’aube. Tout Dublin dormait.

— Cependant, dit le mari à sa femme, si nous voulons que la prédiction s’accomplisse ; si nous voulons qu’Edith devienne vice-reine d’Irlande, nous prenons, je crois, un mauvais chemin. Ce n’est pas en cachant notre fille dans les ténèbres de sa Bed-Room que le vice-roi pourra la voir et l’épouser.

— Mon cher mari, — répondait la rusée villageoise, en haussant les épaules de pitié, — vous ne savez pas ce que vous dites.