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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/212

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monstrations non équivoques de bienveillance et d’amitié. Aussi les jeunes Mendoçaines se jetèrent toutes à la nage, grimpèrent sur le vaisseau, qu’elles envahirent par les sabords, et parurent sur le pont comme une armée de nymphes océanides, en costume de grottes d’azur.

Marchand, homme illustre et très-oublié aujourd’hui parce que nous avons eu malheureusement, pour chacun, trop d’hommes illustres, a décrit, dans son voyage, cette charmante invasion du Solide en termes empreints, sans doute, du parfum mythologique de l’époque, mais qui ne manquent pourtant pas d’une vraie chaleur d’enthousiasme méridional. — Le mat goudronné du Solide, dit-il, ainsi couvert du pont à la cime de toutes ces jeunes Mendoçaines, ressemblait à l’arbre enchanté de la forêt de Gnide.

Nous ne savons pas trop où le capitaine Marchand a vu cet arbre enchanté, car en supposant même qu’il a existé, il est difficile à un arbre et à un mât chargés de femmes blanches et sauvages de se ressembler.

Au reste, cela soit dit en passant, les matelots firent une dépense énorme en petits miroirs et en verroterie, pour mériter l’amitié des Mendoçaines envahisseuses. Ces largesses ne ruinèrent personne et donnèrent la joie à tout le beau sexe de l’Archipel.

Parmi toutes ces nymphes océanides, il s’en trouvait une, à peine âgée de quatorze ans, qui se nommait Mutzi (fleur du soir), et semblait ne vouloir prendre aucune part à la curée des verroteries et des petits miroirs que la coquetterie mendoçaine enlevait sur le pont avec une dévorante vivacité. Mutzi s’était hissée par un câble de l’arrière jusqu’à la cor-