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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/223

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nette. Ne faisons violence à personne. Donnons à cette fille autant d’heures d’hospitalité tranquille qu’elle en demandera par son silence si rêveur et si intéressant.

Masse ouvrit de grands yeux et lança un rapide regard à l’horizon pour découvrir encore quelque point noir ; mais il n’y avait plus la moindre excuse, écrite en lettres de nuage, dans le limpide azur du firmament tropical.

— Eh bien ! dit Marchand, vous ne descendez pas l’échelle ?

— Si fait, dit Masse au comble de l’embarras ; — mais

— Ah ! ceci est trop fort ! — dit Marchand d’un ton sérieux ; — vous avez encore changé d’idée !

— Allons ! puisque vous le voulez, capitaine…

— Comment ! puisque je le veux ! s’écria Marchand ; c’est vous qui vous désobéissez à vous-même, à chaque minute !

— Partons ! — dit Masse, du ton de l’homme qui marche au supplice.

il regarda furtivement la dunette et marcha d’un pas lent vers l’embrasure de l’échelle.

— Enfants ! cria le capitaine, soyez sages et bons, et croyez bien que les sauvages sont vos frères, tant qu’ils ne vous font aucun mal.

L’équipage des trois chaloupes cria Vive le capitaine ! Masse, désespéré d’avoir réussi, s’assit tristement sur le tapis de son banc, à la troisième embarcation, les rames labourèrent la plaine de saphir ; le chant Io ès aou pharo retentit sur l’océan Pacifique, et les jeunes Néréides escortèrent les chaloupes, comme dans le triomphe de Thétis.

La jeune Mendoçaine Mutzi avait tout compris ; les langues