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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/224

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sont inutiles pour les yeux de l’intelligence primitive. Cette fille, nonchalamment assise sur la dunette, ne perdait rien de l’entretien de Marchand et de Masse, elle devinait que ses charmes primitifs n’étaient pas indifférents à l’un des deux interlocuteurs, et si ces deux marins eussent parlé l’idiome de son archipel, ils n’auraient pas été plus clairs pour ses oreilles.

À peine les chaloupes eurent quitté le flanc du navire, Mutzi se leva, et prenant l’élan de l’oiseau, elle se précipita dans la mer, et vint se mêler à ses sœurs, comme un alcyon qui est resté en arrière de la troupe, et fait des efforts superbes pour regagner l’espace perdu.

Masse, qui n’avait jamais quitté du regard la dunette, vit la jeune fille s’abattre sur la mer, disparaître entre deux eaux, puis resplendir à la surface toute ruisselante des perles de l’Océan. Une joie subite éclaira le visage du lieutenant du Solide, et sa main se tendit vers la fraîche Néréide, pour la remercier de sa détermination.

En quelques coups de rames on aborda au rivage. Un petit golfe charmant, moitié à l’ombre, moitié au soleil ; un sable émaillé de coquillages lumineux, des palmiers associés à des tamaris ; une petite rivière qui venait joyeusement se faire avaler par la mer ; des éclaircies ravissantes qui laissaient voir les profondeurs agrestes de l’île, ses virginales collines et ses hauts gazons de velours vert.

Les matelots, ivres de joie, — telluris amore, — comme dit Virgile, en pareille situation maritime, exécutèrent d’abord une danse méridionale, qui prouva aux naturels leurs innocentes et pacifiques intentions. Le conquérant qui danse,