Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/225

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en mettant le pied sur la terre conquise, est un conquérant peu redoutable. Attila et Théodoric ne dansaient jamais.

Masse ne prit aucune part à ce débarquement chorégraphique, à cause de sa gravité de capitaine en second ; et il profita de cette gravité pour suivre et noter de l’œil, une à une, toutes les jeunes Mendoçaines, à mesure qu’elles sortaient de la mer et qu’elles secouaient leurs chevelures sous les palmiers du rivage.

Masse choisit l’instant le plus favorable, et comme il lui avait été fort aisé de reconnaître Mutzi au milieu de tant de jeunes Mendoçaines, parce que Mutzi était la seule qui n’eût pas de verroteries en collier et de petit miroir à la main, il s’approcha d’elle et lui fit une pantomime imitée du ballet de Paul et Virginie, langage partout compris, et qui consiste à mettre le pied droit en avant, les deux mains sur son cœur, en regardant le ciel avec un sourire de béatitude. Le lieutenant du Solide voulut ensuite se montrer plus généreux, car il comprit que le don de son cœur ne ferait pas la fortune d’une jeune sauvage, il lui promit, toujours dans une pantomime expressive, de lui meubler un appartement avec un luxe de verroteries et de miroirs qui rendrait jaloux le roi de l’archipel.

Mutzi voyait, ou, pour mieux dire, écoutait cette pantomime avec un sourire assez dédaigneux et fort humiliant pour M. Masse, qui avait trouvé peu de cruelles dans les gynécées sauvages des archipels du Sud.

Il fallut avoir recours à d’autres expédients de séduction. M. Masse chanta un air du Devin du village :

Quand on sait aimer et plaire