Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/227

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

était la dernière, puisque le vaisseau allait lever l’ancré, il fit briller les trois colliers merveilleux aux regards de Mutzi.

Cette fois, la jeune Mendoçaine laissa percer sur son visage une expression douce, parce qu’elle était touchée des gracieuses et honorables avances de l’officier européen, surtout au moment de la séparation ; et comme Masse, encouragé par ce brusque changement de physionomie, devenait plus pressant avec ses cadeaux, elle repoussa les trois colliers d’une main, et montra, de l’autre, sur son sein, une amulette sacrée dont elle voulait faire sa seule parure. — Masse insista pour connaître l’histoire de cette amulette si précieuse, et alors, Mutzi, dont la pantomime était plus claire qu’une langue connue, dit à Masse que cette amulette était un présent de sa mère, et qu’aucun autre collier profane ne serait jamais placé à côté de cet ornement saint. Sa mère avait été la victime d’un aventurier européen, et en mourant, elle légua cette amulette à sa fille Mutzi, pour la préserver de tous les outrages et de toutes les séductions.

Ce récit, chaleureusement mimé, causa une vive émotion dans l’âme du lieutenant Masse il tendit la main à la jeune Mendoçaine avec toutes les démonstrations du plus grand respect, et lui montrant la mer et le vaisseau, il lui fit signe qu’il allait partir, mais qu’elle ne serait jamais oubliée par lui.

Ces adieux furent touchants. Masse monta dans le dernier canot, et comme il côtoyait un rivage tout formé de roches jaunâtres, pleines d’excavations, il aperçut la jeune Mutzi qui regardait passer le dernier canot et son premier amour.