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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/256

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— Oui, ma fille, mais je ne voudrais pas que ce quelqu’un fût moi.

— Amusons-nous, en attendant, à regarder les tableaux de cette galerie, — dit Marguerite, en entraînant sa mère vers les tableaux.

Les trois Saint-Saulieux se donnèrent alors une contenance usitée en pareil cas, celle de passer en revue toutes les choses curieuses des salons où on est entré trop tôt, par un empressement qui peut être taxé de provincial.

— Ah ! — s’écria Marguerite, en désignant du doigt l’inscription d’un cadre. — Voici votre nom en lettres d’or… Voyez quel beau tableau !… Lisons l’inscription… L’Adamastor, commandé par M. de Saint-Saulieux, détruit les embarcations des pirates malais, dans les eaux de Ceylan… C’est votre vaisseau, mon père ?

— Oui, ma fille, — dit Saint-Saulieux, en se rapprochant du tableau. — Oui, c’est bien mon vieux Adamastor… solide et léger… Il obéissait à la voile et au gouvernail, comme un enfant…

— Et il n’existe plus, mon père, votre Adamastor ?

— Il est rasé comme un ponton, ma fille ; dans l’arsenal de Brest ; j’ai eu de ses nouvelles l’an dernier… Un si beau vaisseau !

— Mais, mon père, est-ce que les vaisseaux ne sont pas tous beaux ?

— Oui, ma fille, mais celui que nous commandons est toujours plus beau que les autres… Ainsi, toi, bientôt à mes yeux, tu-seras la plus belle fille de ce bal ; parce que je suis ton père.