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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/257

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Marguerite baissa les yeux et rougit. Puis reprenant le ton questionneur de l’étourderie enfantine, elle dit :

— Mon père, vous m’avez souvent raconté bien des aventures de vos campagnes maritimes, d’où vient que vous ne m’avez jamais parlé de ces pirates malais que vous avez détruits à Ceylan ?

— C’est que… c’est que, ma fille, — dit le père un peu embarrassé. — Vois-tu… ce n’est pas une aventure fort importante… des pirates !

— Mais, mon père, si cette aventure n’est pas importante, pourquoi le gouvernement, qui n’est pas très-prodigue, a-t-il fait peindre un si beau tableau !… Ah ! vous avez raison, mon père !… J’y suis maintenant… Voyez… Lisez dans ce coin, en petites lettres… Donné au musée de la marine française par madame van Oberken.

— Ah ! — dit madame de Saint-Saulieux, avec une sorte de jalousie rétrospective ; je n’ai jamais entendu parler de cette madame van Oberken qui a fait peindre l’Adamastor.

— Ma foi ! — dit le mari avec une naïveté suspecte, — à peine si je me souviens de cette petite aventure de mer !… Oui… à présent, je crois me rappeler…

Il passa la main droite sur son front, et continua :

— Oui… il y avait des pirates malais qui désolaient la côte sud de Ceylan, où était une riche habitation hollandaise… et je crus, pour l’honneur de mon pavillon, devoir rendre ce service à l’humanité coloniale… Je détruisis ces pirates avec deux bordées ; ce fut l’affaire d’un instant.

— Et que dit madame van Oberken, après cette prouesse ? demanda la femme, avec un ton d’ironie rétroactive.