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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/269

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Les femmes orientales ne demandent pas mieux que de subir des décrets qui leur imposent de nouvelles coiffures. Au bout de quelques jours, le beau sexe bengadorien, enfermé au harem ou libre de ses actions, se coiffa très-gracieusement selon la nouvelle mode appelée Dashour ou turban.

Toutes les modes ont des origines mystérieuses, comme celle du turban.

Mais l’histoire ne s’arrête pas là.

Un an après, on vint annoncer au sublime émir qu’un marchand d’esclaves proposait une jeune fille dont la beauté n’avait point d’égale sur les continents et les archipels.

L’émir sourit, et comme il s’ennuyait, selon l’usage des rois, des sultans et des émirs, il fit le signe nonchalant qui veut dire : Faites entrer.

Le marchand était ou paraissait être un vieillard octogénaire et idiot ; un vieillard usé par le commerce des esclaves blanches, noires et bronzées ; en apercevant l’émir, il se prosterna et baisa la poussière de ses pieds.

L’émir le releva en souriant, et s’asseyant sur une pile de coussins, il demanda l’esclave. Le marchand retroussa la portière et dit d’un ton de maître :

— Viens ici, Naourah (Félicité des yeux).

Naourah était un vrai chef-d’œuvre ; sa chair semblait être tissue avec des rayons de soleil ; elle ressemblait à une de ces nymphes océanides, dont parle le divin poëme du Ramaïana.

L’émir cessa de sourire, comme un homme qui s’apprête à aimer, chose toujours sérieuse ; il regarda Naourah, et ses regards errèrent et moururent, comme dit le grave Montes-