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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/268

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pour démontrer à l’émir qu’aucun homme ne l’avait souillée de sa main profane, et que cet affront était l’œuvre des dieux. En démontrant cela, Mahia ne courait pas le risque d’être répudiée ; c’était Myhassor qui avait coupé ses cheveux ; allez vous venger de Myhassor !

L’émir consola de son mieux la belle Mahia, et lui promit de l’aimer chauve, comme il l’aimait avec ses cheveux.

Hélas ! il fit cette promesse d’une voix si faible, que Mahia trembla pour l’avenir de cet amour.

Les femmes orientales ont toujours des ressources de coquetterie qui triomphent souvent.

Mahia, un jour, prit une ceinture de laine fine et légère comme une succession d’ailes de colibris, et ceignit ses tempes et son front de cette parure en la roulant avec une grâce exquise de contour. Elle se regarda au miroir d’une fontaine, et se sourit comme la première femme qui mit la première rose dans ses cheveux, pour plaire au premier homme, dans l’idylle de l’Éden.

L’émir, en voyant Mahia coiffée de cette façon, poussa un cri de joie et la trouva beaucoup plus belle qu’avec des cheveux ; cette illusion d’ailleurs lui était chère, et il ne demandait pas mieux que de se tromper.

Mahia fut d’une coquetterie admirable ; elle changea cinq fois en un jour, la forme, la couleur et la disposition de sa nouvelle coiffure. À chaque changement, elle venait sourire à l’émir, qui finit par déclarer que les cheveux étaient insupportables à voir, et que toutes les femmes de Bengador seraient obligées, par un décret, d’adopter la coiffure inventée par la belle Mahia.