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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/272

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se débarrasser avant de se mettre à l’eau, et Mahia prit son luth pour chanter un pantoun.

Une heure s’écoula et aucun bruit ne se faisait entendre du côté du bassin.

Mahia était fort inquiète ; elle avait déjà chanté trois pantouns et ne voyait rien paraître à la surface des eaux.

Elle avait oublié de demander son nom à la jeune esclave, et ne sachant comment l’appeler, elle descendit du kiosque et la chercha partout. Elle ne la trouva pas.

À force de fouiller tous les recoins du taillis des arbustes riverains, elle vit flotter aux branches d’un jeune liquidambar une chevelure superbe qui, sans doute, ne paraissait pas appartenir au règne végétal. D’abord Mahia recula de peur devant cette espèce d’apparition ; puis elle fit quelques pas, et osa même toucher du bout des doigts ces longs cheveux qui avait perdu leur tête natale. Enfin, après un long examen, elle reconnut, maigre une certaine variété dans la nuance, que ce trésor capillaire lui appartenait ; mais que l’art d’un coiffeur avait assujéti les racines de cette chevelure à un centre commun, en forme de calotte légère, ou pour mieux dire de réseau concave de la plus grande finesse.

Mahia voulut faire une épreuve à l’instant même ; elle ôta son turban et se coiffa de ses anciens cheveux, qui reprirent naturellement leur place, grâce à l’artifice du coiffeur inconnu, mais très-ingénieux.

La jeune femme se laissa emporter par le délire d’une joie folle ; elle venait de rentrer dans toute sa beauté première, et quoique peu jalouse, elle s’estimait fort heureuse de