Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/295

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Un moment ! dit Lilia, je ne signe rien, sans lire ; veuillez bien me communiquer cette feuille ?

— La voici, Madame.

Lilia prit la feuille, la parcourut rapidement, sourit avec dédain et la jeta dans la mer.

— Voilà comment je signe une pareille promesse, dit-elle. Portez cette réponse au gouverneur.

— Cette femme est possédée du démon s’écria le beau-père.

— Je regrette de n’avoir pas réussi, dit l’officier, et je me retire avec la pensée que j’ai pu vous sauver la vie, et que vous m’avez refusé votre salut.

Et se tournant vers le capitaine, l’officier dit : Enlevez l’amarre et partez ; et il descendit dans le canot, en laissant le beau-père immobile de désespoir auprès de Lilia, toujours calme comme l’espérance, même sur le seuil d’un tombeau.

Le vaisseau dérapa et gagna la haute mer, pour éviter au moins le danger des côtes et des écueils voisins des atterrages. L’ouragan éclata bientôt avec une telle violence qu’on croyait assister à la chute du ciel, et que le vaisseau avait disparu dans une trombe d’eau. Les matelots se couchèrent à plat ventre sur le pont, et confièrent à la Providence des manœuvres d’ailleurs inutiles. Le capitaine descendit dans sa chambre pour étudier la carte ; la famille d’Elbonza se rangea en espalier devant la dunette, et Lilia ne daignant pas faire à l’ouragan l’honneur de le regarder, se mit encore à revivre dans son passé.

La Providence, seul capitaine en ces sortes de cas, dirigea