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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/296

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le vaisseau avec une bonté maternelle, et le soutint à la cime de toutes les vagues qui se levaient pour l’engloutir.

Quelquefois les tempêtes ont cela de bon, qu’elles font avancer un vaisseau avec une rapidité qu’une bonne brise ne donne pas. L’ouragan prit dans ses ailes la coquille de bois, et l’emporta, en lui-faisant filer quinze lieues à l’heure, vers des parages lointains et peu connus des géographes. Le lendemain, aux premières lueurs de l’aube, la mer n’était plus soulevée que par une tempête ordinaire, celle que tout marin rencontre à chaque traversée, et qui le met toujours à deux doigts de sa perte, comme disent les graves historiens.

Le capitaine espagnol, qui devait son grade à la protection, se trouvait fort à l’aise au milieu d’un ouragan irrégulier, qui déroutait les plus hautes connaissances nautiques. Lorsqu’un ouragan conduit un navire, tout capitaine est excellent ; mais on peut se diriger dans une tempête, et l’équipage fort inquiet voyait dans son chef une hésitation qui ne rassurait personne. La pâle clarté de l’aurore montra un voisinage de terre fort dangereux, qu’un mousse reconnut pour être la presqu’île d’Yucatan. Le capitaine remercia le mousse, et chercha ce nom sur la carte, et dans un dictionnaire de, géographie ; on y lisait ceci : — Parage jusqu’à présent inhabité par les Européens. Yucatan abonde en bois de campêche, chênes équinoxiaux, cocotiers et anthropophages.

La violence du courant et de la tempête entraînait le vaisseau vers ce parage, si mal noté dans le dictionnaire de géographie. Le capitaine ordonna des manœuvres et fit prendre des ris, d’après le conseil du mousse, mais malgré les ris, il