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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/303

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— C’est trop fort ! — Venez, Lilia… marchez doucement. — J’aperçois à notre gauche une grotte de lianes ou nous pourrons nous mettre à couvert et laisser passer la tribu.

— C’est inutile, cher beau-père ; il n’est plus temps ; ces hommes nous ont vus ; n’ayons pas l’air de les fuir, ce serait les insulter. Allons au-devant d’eux, comme on marche à des amis.

— Ma chère fille, — dit d’Elbonza en fléchissant sur ses pieds, — nous n’avons plus un quart d’heure à vivre. Avant midi nous serons mangés. Je les reconnais bien maintenant, ce sont des Peaux Rouges… Cette folle ! elle pourrait être à présent la femme du gouverneur de…

— Eh ! mon cher beau-père, — interrompit brusquement Lilia, j’aimerais mieux vous voir dévorer tout à l’heure, que de vous entendre redire encore une fois cette phrase.

— Ma chère fille Lilia, il n’y a que cette phrase qui m’apporte quelque soulagement dans mon malheur.

— Eh bien ! pensez-la et ne la dites plus.

— Oui, ma fille, mais si devant ces Peaux-Rouges on vous proposait de vous marier tout de suite au gouv…

— Encore !

— Ce n’est pas la même phrase, Lilia, remarquez bien.

— Toujours la même, car elle m’ennuie comme l’autre…

Eh bien ! voulez-vous le savoir ? même en ce moment, je refuserais.

— Devant ces Peaux-Rouges ?

— La couleur n’y fait rien, oui. Êtes-vous content ?

Un espace très-court les séparait en ce moment de la tribu sauvage, habitante de cette forêt. C’était une tribu alors