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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/305

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dignes d’un chorégraphe, pour lui demander si les autres naufragés étaient restés sur le rivage. Lilia comprit cette langue à la première leçon, et répondit avec une lucidité merveilleuse. Le roi se tourna vers ses courtisans et leur témoigna toute la satisfaction qu’il éprouvait en voyant la beauté de Lilia, et son intelligente pantomime.

Le prince royal murmura aussitôt quelques paroles qui probablement signifiaient ceci :

— Puisqu’il n’y a pas d’autres naufragés sur le rivage, rentrons dans nos palais.

Le roi sourit avec une sorte de bonté sauvage, et, relevant son arc, comme un sceptre, il désigna du bout le centre de la forêt. D’Elbonza et sa belle-fille, placés au milieu des chefs de l’armée, se mirent en marche pour aller à leur mystérieux destin.

Par moments, le beau-père lançait à Lilia un regard oblique, qui signifiait très-clairement ceci :

— Eh bien ma fille, ne regrettez-vous point, etc…

Et Lilia, haussant gracieusement les épaules, avait l’air de répondre : Je ne regrette rien.

Alors d’Elbonza regardait le ciel en poussant un soupir ; ce qui signifiait : Voilà un inconcevable entêtement !

Le roi et les princes paraissaient, dans leur route, s’occuper fort peu des prisonniers ; ils échangeaient des phrases brèves, en désignant du doigt un site, un arbre, un ruisseau, une fleur. Le beau-père s’imaginait à chaque instant que le roi à jeun cherchait un endroit favorable à quelque affreux repas d’occasion.

Lilia, ravie de la beauté du site, avait ouvert un de ses