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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/306

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écrins de souvenir, et respirait la vie avec délices, pour recueillir ses dernières extases, avant d’être livrée à la mort.

On chemina une heure à travers broussailles fleuries, lianes flottantes, ruisseaux d’eau vive, et on arriva dans un carrefour sombre, où s’élevaient une centaine de huttes. C’était la capitale du royaume. Les naturels de la tribu sortirent pour voir les prisonniers, et ils témoignèrent une très-grande joie, comme des convives affamés qui voient arriver les plats d’un festin.

Les femmes du roi et les princesses arrivèrent ensuite, et se mirent à examiner Lilia avec une attention minutieuse. Ensuite elles eurent l’air de se concerter pour établir une opinion sur la jeune Européenne. Le résultat ne fut pas favorable ; toutes les femmes des Peaux-Rouges décidèrent à l’unanimité que Lilia était horriblement laide et que son arrivée ne pouvait exciter aucune jalousie dans le sérail du roi et des princes.

Cet avis n’était probablement pas celui du roi Kiou-Tavaï ; il déposa sa coiffure, son arc et son carquois, et, s’avançant vers Lilia, il lui demanda si son compagnon était son mari. Lilia comprit tout de suite et elle répondit :

— Mon mari est mort.

Lilia crut devoir dire la vérité, même à un roi sauvage.

La réponse de Lilia parut faire beaucoup de plaisir au roi ; il sourit, et dans une pantomime encore plus expressive, il dit à la jeune veuve qu’il voulait l’épouser.

Le beau-père, qui assistait à cet entretien mimé, bondit involontairement, et son regard exprima la fameuse phrase interdite, et qui était plus que jamais de circonstance. Lilia