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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/313

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s’arrêtait devant un quai de bois palissadé, au village indigent de Thérésinas, et même à la porte d’une mesquine posada baleinière, à l’enseigne du Harpon-d’Or.

Lilia retint le rameur nègre à son service, et elle l’acheta librement à lui-même, comme esclave, au prix de cinq cents piastres, garanties par deux bagues de diamants.

On quitte facilement un port de mer, quand on a de l’argent ou des pierreries. Le lendemain même, un vaisseau était en partance pour la Havane. Lilia regarda ce départ comme un conseil de la Providence, et, toute dévouée à une idée nouvelle, inspirée par de sages réflexions, elle retint deux places à bord du baleinier, et charma sa traversée en respirant le bonheur dans l’écrin de ses souvenirs.

La pensée de Lilia était honorable et belle, digne d’une Espagnole, ou, pour mieux dire, digne d’une femme de tous les pays.

En rade de la Havane, et placée sous la protection d’un pavillon portugais, Lilia écrivit au gouverneur la lettre suivante :

« Excellence,

» Le voyage et le malheur m’ont ouvert les yeux.

» J’étais trop peu avancée dans mon veuvage pour accepter même le cœur et la main d’un seigneur puissant comme vous ; aujourd’hui je ne regrette pas ma première détermination, mais je la change, ou, en d’autres termes, je la modifie dans l’intérêt de notre bonheur mutuel.

» J’ai fait un vœu à Notre-Dame de la Havane, et vous êtes trop bon chrétien pour vouloir que je me délivre d’un