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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/338

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quinoxe arrive dans vingt jours, et, si ma lettre continue à battre la campagne dans la mer Icarienne, elle court la chance de ne pas vous trouver en rade de Besika. Donc la négation d’Euripide ayant été niée, je vous prie d’assister en imagination aux scènes de repos qui se sont jouées sur le rivage troyen, et dont Homère et Virgile ne parlent pas. Les soldats grecs, fracti bello fastique repulsi, s’ennuient comme des hommes heureux, au bord de la mer. Achille s’est retiré dans sa tente et chasse les mouches, comme dit Homère endormi ; vous devez avoir aussi beaucoup cultivé cette chasse, à Besika. Il faut bien faire quelque chose dans une tente ou à bord d’un vaisseau, en attendant un vingtième ultimatum.

Non loin d’Achille, Patrocle fait la sieste. Agamemnon regrette sa fille Iphigénie et pense à sa femme Clytemnestre et à son jeune cousin nommé Egyste, qui a payé un remplaçant pour esquiver la conscription. Ulysse est parti avec Diomède pour enlever les chevaux de Rhésus. Nestor raconte ses éternelles aventures de Pylos à des amis complaisants. Ménélas regarde de loin les tours d’Ilium, avec l’espoir de découvrir la chevelure de sa femme, comme un astronome étudie le lever d’une comète. Ajax, fils d’Oïlée, et Ajax, fils de Télamon, causent politique, assis sur leurs boucliers : on s’ennuie partout. Le sirocco plombe l’horizon ; la cigale chante sur les pins ; les coques des mille vaisseaux gémissent ; les matelots et les rameurs dorment depuis sept ans, comme les dormeurs de la légende ; un repos muet habite ces lieux, comme les monts Cimmerions, dont parle Ovide, muta quies habitat. Que faire ?

Palamède était mollement étendu sur la rive, à l’ombre