Aller au contenu

Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/337

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nie Hélène, parce qu’il ne peut admettre que deux peuples se soient battus pour une blonde. C’est fort peu galant de la part d’Euripide, et nier une guerre parce qu’on n’en admet pas le motif, c’est raisonner à faux. Ainsi, en 1953, les Euripide ne croiront pas à notre histoire présente ; il est impossible, diront-ils, qu’en 1853 on ait fait une émeute de cour, on ait dépensé soixante millions, on ait ruiné des milliers de familles, on ait dévasté le domaine du crédit public, dans l’unique but de protéger des Grecs schismatiques qui ne voulaient pas être protégés. Quant à Hélène, elle peut très-aisément être admise comme prétexte de guerre et question d’Orient. Euripide a tort. Si le fils du sultan eût enlevé une princesse russe et l’eût amenée à Constantinople, per freta navibus, on expliquerait très-bien le passage du Pruth, et le reste. Si le grand poëte Euripide a nié le siège de Troie, c’est à cause de la répulsion que lui inspiraient les femmes blondes ; cela tient à un vice d’organisation grecque, dans un pays où tous les cheveux sont noirs. Hippolyte, dans la tragédie originale, va beaucoup plus loin qu’Euripide : il n’aime ni Phèdre, ni Aricie, ni aucune femme brune ou blonde ; il aime la lune, et lui adresse des madrigaux grecs pleins de tendresse ; il est jaloux d’Endymion, et ne dépenserait pas un Périclès d’or pour acheter tous les gynécées d’Athènes et tous les modèles féminins de Pradier. Racine, dans sa Phèdre française, n’a pas osé suivre son modèle jusqu’à la lune ; il a inventé Aricie, qui est pâle comme la lune, pour ne pas dire plus.

Nous ne sortirons pas des parenthèses, elles ressemblent à des principautés danubiennes ; il faut conclure pourtant. L’é-