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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/344

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et engendré Micromégas. Il y a quelques années, un noble pair, un homme de génie, lord Ellemborough, qui s’est couvert de gloire dans l’Inde, voulut faire de l’imagination et de la fantaisie, avec les fameuses portes de bois de sandal, et vous savez ce qui lui est arrivé. Les méthodistes de la Compagnie des Indes dénoncèrent l’illustre général comme païen, et le firent destituer. À Besika, lord Dundas avait une superbe occasion d’imiter lord Ellemborough, en commandant des fouilles pour rapporter les fameuses Portes-Scées à la galerie nationale de Charing-Cross ; mais il a reculé devant l’anathème des méthodistes. L’acte aurait été cette fois beaucoup plus païen que celui de lord Ellemborough, car Homère est plus païen que Brama.

Ainsi, ces marins anglais, fils de Shakespeare, de Pope, de Shéridan, de Swift, de Daniel Foë et de tous les grands poëtes de l’imagination et de la folie sublime, ont passé tous les jours et toutes les nuits d’un midsummer à bord de leurs vaisseaux, dans les ennuis mortels d’une station immobile, sans avoir essayé de suivre leur illustre poëte Dryden sur la terre de Virgile ; sans avoir traduit en action, et mieux encore que Dryden, un épisode du second livre ; sans avoir simulé un combat homérique devant les ruines de Troie ; sans avoir rebâti le tombeau d’Achille au cap Sigée, devant Besika ! Qu’ont-ils fait, ces marins pendant de si longs jours, stériles ? Virgile a répondu Pontum adspectabant ! et ils avaient pourtant assez de loisirs pour faire ce qu’Andromaque a su accomplir toute seule sur les rives de l’Épire ; ils pouvaient rebâtir une petite Troie, une imitation de Pergame : Parvam Trojani… simulata Pergama ; ils auraient