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Page:Méry - Les Nuits d'Orient, contes nocturnes, 1854.djvu/95

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tillon de l’Océan, et il s’en sert comme fleuve pour décorer ses ponts. Si la Tamise était une Seine, Londres retentirait de fontaines comme Calcutta ; et il n’y a pas de fontaines dans cette planète anglaise ; il n’y a que des statues altérées, demandant un abreuvoir toujours refusé. La Tamise est la seule rivière qui donne le mal de mer ; dernière preuve souveraine à l’appui de mon opinion. Voyez à quoi tient pourtant la domination océanique ! Si l’Océan ne rencontrait pas, en aval de Rouen, un terrain ascensionnel, une écluse infranchissable, si le sol conservait un niveau peu accidenté à travers les vallées normandes, nous aurions une Tamise à Paris ; Grenelle serait un port de mer ; le Gros-Caillou serait un chantier de vaisseaux de ligne ; et le peuple parisien, qui, dans les jours d’été, donne une si haute idée de sa vocation maritime de haut-bord, dans les archipels et les parages d’Asnières, le peuple parisien serait une pépinière de matelots sérieux, comme les jardiniers de Chatam, de Wolwich et de Rochester. Nous aurions les grandes Indes depuis les conquêtes de Dupleix. Hélas ! nous avons failli les posséder malgré le mauvais vouloir de l’Océan et les écluses des collines normandes ! C’est une histoire indienne et inédite à raconter ici.

Le 2 juillet 1838, sir William Bentinck, roi de l’Inde après le soleil, assis au kiosque de son cottage sur le Gange, ne voyait pas une lumière d’été comparable à celle qui dorait, par exception, les deux rives, de la Tamise, soit du côté de Greenwich, soit du côté de Blake-Hall. Les vieux nababs de la compagnie des Indes, rentrés à Londres pour y mourir, et retirés des affaires, dans leurs châteaux de la Tamise, se