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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/104

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[vers 1209]
LE LIVRE

Si ne feroit pas s’onnour
S’elle en amer muoit ſa grant douçour ;
Et s’il avient, mors ſuis pour ſa biauté ;
Si m’ara toſt ſelon droit oublié.

Et ce Rondel, en ce voiage,[1]
Où il a chant, li envoia-ge.

Dame ſe vous n’avez apercéu
Que je vous aim de cuer, ſans decevoir,
Eſſaiez-le, ſi le ſarez de voir.
Vo grant biauté m’aroit trop decéu,
Et vo douçour qui trop me fait doloir,
Dame ſe vous n’avez apercéu
Que je vous aim de cuer ſans decevoir.

Car mon cuer ont ſi tres-fort eſméu
À vous amer, que je puis percevoir
Que jamais bien doie ne joie avoir,
Dame ſe vous n’avez apercéu
Que je vous aim de cuer, ſans decevoir,
Eſſaiez-le, ſi le ſarez de voir.


VI. — Ma tres-chiere & ſouveraine dame, je ne ſuis mie tels, ne ſi ſages que je vous ſcéuſſe mercier ainſi comme il appartient de vos douces, courtoiſes & amiables eſcriptures : & toutes voies je vous jur en ma léauté, qu’elles me font tant de bien que je ne me réveille à nulle heure qu’il ne m’en ſouviengne, & que je n’aie l’oeil & le cuer & la penſée à vous, pour faire choſe à mon pooir qui ſoit à votre loenge & à votre honour. Et quant ad ce que vous me mandés que ſe vous eſtiés uns homs, vous me verriés bien ſouvent, je vous pri pour Dieu, & ſur toute l’amour que vous avés à moi, que vous me vueilliés tenir pour excuſé, ſe je ne vois & ſuis alés devers vous ; car, par m’ame, Dieus ſcet que ce n’a mie eſté par deffaute d’amour ne de bonne

  1. Aux lieux où elle étoit arrêtée en voyage.[App. XIV.]