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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/116

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[vers 1336]
LE LIVRE

Et ceſtes lettres me bailla
Qui mon cuer dormant eſveilla.


IX. — Mes tres-dous cuers & ma tres-douce amour, je vous envoie mon ymage faite au vif ſi proprement comme on la peut faire, pour vous conforter de ce que nous ne vous poons véoir. Si vous pri, mon dous cuer, qu’il ne vous deſplaiſe de ce que je ne la vous ay plus toſt envoïe ; car, en verité, je ne l’ay peu amender. Et, mon dous cuer, je vous pri ſur toute l’amour que vous avez à mi, & ſi acertes comme je puis, que vous ne vueilliez pas mettre voſtre cuer à meſchief, ne croire les paroles que vous m’avez eſcriptes ; car, en l’ame de mi, je ne le penſay onques, ne que vous me voſiſſiès ne daigniſſiés faire ce que je ne vorroie faire à vous, que j’aim plus que moi, n’autruy. Si, en ſoiés du tout hors de doubte. Mon tres-dous cuer, vueilliés moi envoier voſtre livre le pluſtoſt que vous porrés, car je ne pren plaiſance ne esbatement que en vous & en vos choſes. Je prie à Noſtre ſeigneur qu’il vous doint honneur & joie de tout ce que voſtre cuer aime.

Voſtre loial amie.


Ainſi s’image m’envoia,
Par le vallet qui s’avoia
À moy, & me diſt en recoy :
« Sire, voy-cy je ne ſay quoy
« Que voſtre dame vous envoie :
« Et bien m’a dit, ſe Dieus m’avoie,
« Qu’en autre main la choſe n’aille
« Qu’à vous ; tenés, je la vous baille. »
Et je la reçus lyement,
Et la prins honnourablement,
Et puis de mon or li donnay.
Et quant à li fait mon don ay,
Je m’en alay grant aléure,