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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/122

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LE LIVRE

fuſt), que vous m’en avés fait. Et comment qu’il en ait eſté & ſoit encores pluſieurs qui volentiers leur donnaſſent confort, elles n’avoient mie ſi bien le ſens & la maniere comme vous avez ; dont je me tien pour le plus eureus qui vive. Et comment que je ſache certainement que pluſieurs vous ont dit que je ſuis lais, rudes & mal gracieus, par Dieu, com petis que je ſoie, j’ay bien vaillant .i. cuer d’ami. Et je voy bien que voſtres nobles cuers ne daigne encliner ne croire leurs paroles : & vous le me monſtrés bien, par voſtre douce, plaiſant & tres-belle ymage, que vous m’avez envoïe, dont je ne vous ſay mercier ainſi comme je devroie : car, par m’ame, mes ſens ne mes entendemens ne ſont pas tels que je peuſſe faire mon devoir de vous en mercyer. Car, en l’ame de moi, c’eſt ma vie, c’eſt mes ſoulas, c’eſt mes depors ; & je ne porroie avoir doleurs ne adverſités, que tantoſt comme je la voy ou qu’il m’en ſouvient, que je ne ſoie garis & confortés. Et ſans doubte, jamais en jour de ma vie, pour choſe ne pour parole que on me die, je ne penſeray, ne croiray que vous ne vueilliés eſtre ma ſouveraine dame, & que vous ne faites de vrai cuer tous les biens que je reçoy de vous. Et, ma ſouveraine dame, uns chevaliers ne doit avoir autre meſtier n’autre ſcience que armes, dames & conſcience. Si vous jur & promet que, à mon pooir, je vous ſerviray loyalment & diligemment de ce que je fay & puis faire, & tout à voſtre honneur, comme Lancelos ne Triſtans ſervirent onques leurs dames ; & aourray comme Dieu terrien & comme la plus precieuſe & glorieuſe relique que je véyſſe onques en lieu ou je fuiſſe. Et d’or-en-avant ce ſera mes cuers, mes chaſtiaus, mes treſors, & contre tous maus mes confors, ſans nulle fauſſeté. Se Dieu plaiſt, je vous verray dedens la Penthecouſte[App. XVI.] ; Car vous & voſtre douce ymage m’avés mis en tel point que, Dieu merci, vous m’avez tout gary. Et fuiſſe pieça partis ; mais il ha une grant compaigne[1]

  1. La Grande compagnie qui, ſous les ordres d’Arnaud de Cervoles,