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DU VOIR-DIT.

Pour .i. accident qui me vint.
Car de là partir me convint [App. XVIII.]
Au commandement d’un ſeigneur,
Qu’en France n’a point de greigneur, [App. XIX.]
Fors un ; Dieus le gart où il maint,[1]
Et à grant joie le ramaint !
Mais ce ne me deſplaiſoit mie,[2]
Car j’aloie véyr m’amie.
Si que là maintes fois penſay
Et mon veu ainſi commenſay.
Mais elle ſi bien l’entendi
Qu’à chaſcun fait me reſpondi :

BALADE.

De mon vrai cuer jamais ne partira
L’impreſſion de vo douce figure ;
Car voſtre ymage emprainte ſi l’i ha,
Qu’il n’eſt cyſel ne liqueur ne raſture,
N’au monde n’a ſi ſubtil créature
Qui l’en péuſt effacier ne oſter,
Ne qu’on porroit tarir la haute mer.

Mon Dieu terrien eſt & fu & ſera,
Tant comme en moy ſera vie & nature ;
Et, après mort, mon ame l’amera
Pour ſa biauté qui en envoiſéure
Nouriſt mon cuer de ſi douce paſture
Que ne la puet guerpir n’entroublier,
Ne qu’on porroit tarir la haute mer.

  1. Il entend ſans doute par le premier, Charles, Dauphin, & par le ſecond, le Roy Jean, qui venoit de retourner en Angleterre (1362).
  2. Il devoit partir de cet endroit, pour rejoindre le Dauphin, cinq jours après avoir accompli ſa neuvaine ; &, ajoute-t-il, « je n’étois pas fâché de demeurer cinq jours de plus dans la ville où étoit ma dame. »