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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/135

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[vers 1824]
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DU VOIR-DIT.

« Et de faire voſtre plaiſir,
« En tous biens, ay tres-grant deſir.
« Et ſachiés, amis, celle amour
« Qui fait en nos .ij. cuers demour,
« Venue eſt de Dieu proprement ;
« Car vous ſavez certainement
« Qu’onques-mais nous ne nous véiſmes,
« Ne paroles ne nous déiſmes.
« Et ſi ſay bien que vous m’amés,
« Et ſi eſtes amis clamés ;
« Et puiſque Dieus l’a volu ſaire,
« Il ne puet qu’à bonne fin traire. »

Après ce, je li reſpondi
Si bas qu’à peine m’entendi,
Car la parole me trembloit
Et tous li corps, ce me ſembloit :
« Tres-belle, vous eſtes ma dame,
« Et je ſuis vos amis, par m’ame. »
Mais, en ce diſant, la liqueur
Qui eſtoit par dedens mon cuer.
Me degouta parmi les yeus
Deſſus ma face, en pluſeurs lieus ;
Car mes cuers eſtoit ſi eſtrains
Et de ſa biauté ſi conſtrains,
Que je plouroie tendrement.
Et lors me diſt moult doucement :
« Mes dous amis, mes fins cuers dous,
« Dites-moy, pourquoy plourés-vous ?
« Pourquoy faites-vous tel ſemblant,
« Et avés le cuer ſi tremblant ?
« Amis, ſoiez aſſéurés
« Que le mal que vous endurés