Aller au contenu

Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/138

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
84
[vers 1912]
LE LIVRE

Mais elle ot de .xv. à .xx. ans,
Dont je la priſe mieus .xx. tans.
Plus ne di de la grant richeſſe
De ſon habit, de ſa nobleſſe,
Car bien dire ne le ſaroie,
Pour ce qu’eſpoir j’en mentiroie.[1]

Et s’aucuns voloit meſpriſier
Ma douce dame, ou mains priſier,
Pour ce qu’elle ainſi m’appella,
Ou ſe aſſez largement parla,[2]
C’eſt ſon bien, s’onneur & ſon los,
C’eſt ce dont je la pris & los ;
C’eſt douceur, c’eſt humilité
Et franchiſe, & douce pité,
(Quant uns amans eſt en ce point,)
De remettre ſon cuer à point.
Car ſe .x. mois devant li fuſſe,[3][App. XXIV.]
Jà ſemblant fait ne li éuſſe
De grace ou s’amour requerir,
Car ne li oſaſſe querir ;
Ne nulz homs n’i péuſt noter
Riens qui en féiſt à oſter :
Qu’onques-mais ne m’avoit véu,
Si que s’amour m’a pourvéu.
Et, ma douce dame jolie,
Ce n’eſt pas trop grant villenie,
S’en ce livre riens mettre n’oſe

  1. Eſpoir, peut-être.
  2. Largement, librement.
  3. Ainſi, il y avoit dix mois qu’il avoit reçu le premier meſſage : apparemment vers la fin de l’année 1361.