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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/166

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[vers 2705]
LE LIVRE

Et ſi, li ay par li tramis
Ce Rondel qu’en la lettre a mis :[1]

RONDEL.

Toute-belle, vous m’avez viſeté
Tres-doucement, dont .c. fois vous mercy ;
De tres-bon cuer & par vraie amité,
Toute-belle vous m’avez viſeté.
Et avec ce éu avez pité,
Pour conforter mon cuer taint & nercy.
Toute-belle, vous m’avez viſeté
Tres-doucement, dont .c. fois vous mercy.

XI. — Mon tres-dous cuer,[2] je vous prie pour Dieu que vous me vueilliez tenir pour excuſé, ſe je n’ay envoié vers vous, puis que vous partiſtes de moy ; car Dieus ſcet que ce n’eſt pas par deſfaut d’amour ne de bonne volenté ; mais, par m’ame, je ne l’ay peu amender, pour certaine choſe que mi & mon ſecretaire vous dirons ; &, eſpeciaument, il ne me ſemble mie bon que j’envoie ſi ſouvent par devers vous, pour les paroles,[3] & pour ce qu’on ne ſe puet trop garder. Quanque j’en di & fais, je ne le fais que pour le milleur & pour honneur ; comment que je vous deſire plus à véoir que toutes les créatures du monde. Et, mon tres-dous cuer, vous ne devez mie penſer que ce que j’en fais, le faice pour vous eſlongnier ; car des meſchiés & de toutes les peines qui en l’amoureuſe vie ſont, ſans eſtre eſcondis,[4] c’eſt li plus grans que demourer loing de ce qu’on aime. Et quant on ne puet veoir, oÿr ne ſentir ce que on

  1. Que le ſecrétaire enferma dans la lettre.
  2. Remarquez qu’a partir des gages d’amour donnés & reçus, Machaut ne l’appelle plus ſa tres-chiere & ſouveraine dame, mais ſeulement mon tres-dous cuer.
  3. Var. Paraboles, bavardages.
  4. Sauf le malheur d’être éconduit.