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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/172

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[vers 2790]
LE LIVRE

Et ce ſera mon millour, ſans mentir,
Puis que languir ſera ma deſtinée.
Mes cuers ne puet ſi doucement languir
Com par vous, belle, où ſont tuit mi deſir.

Si que ces Rondelés ay mis
En celle lettre, & li tramis.


XIII. — Mon dous cuer & ma tres-douce amour, j’ay bien véu ce que vous m’avés eſcript ; ſi vous plaiſe ſavoir que ſe vous ne fuiſſiés en ce pays, je n’i fuiſſe pas venus, juſques à un grant temps, pour riens qui aveniſt ; &, à preſent, je n’ay riens à faire en ce pays fors vous veoir. Helas ! & vous vous en volés partir quant je y doi venir, qui n’eſt trop dure choſe. Et auſſi, Monſeigneur m’a mandé par ſes lettres que, ma .ixne. faite, je voiſe par devers lui. Mon dous cuer, ſi m’eſt & ſera trop dure choſe de voſtre allée, car .i. jour de voſtre demeure me ſera uns ans, & ſe vous povez bonnement demourer, à voſtre honneur, riens ne me porroit tant plaire ; car, mon dous cuer, vous ſavez comment il me convient briefment partir, & ſi ne vous puis mie ſouvent veoir à ma volenté. Et ſe vos dous cuers s’acorde à vos douces paroles, vous vous penriés bien près de demourer ;[1] & auſſi, s’il vous ſouvenoit bien de voſtre borgne vallet.[2] Je vous pri doucement que vous me vueilliés reſcrire voſtre bonne volenté ainſois que vous partés, & toutevoie je vueil tout ce que vous volés. À Dieu mon dous cuer & ma tres-douce amour !

Voſtre tres-loial ami.


Je li envoyay ceſt eſcript :

  1. Sans doute : vous prendriez bien à cœur… ou « vous ſauriez bien prendre le temps de… »
  2. Il entend, je crois, parler de lui-même, apparemment comme l’appeloit en badinant la demoiſelle.