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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/176

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[vers 2870]
LE LIVRE

Fors ſans plus une pucelette ;
Et que moult volentiers véu
Avoit mes lettres & léu ;
Et diſt qu’elle priſt à ſourire
De cuer & doucement à lire :


XV. — Mon tres-dous cuer & ma tres-douce amour, j’envoie par devers vous, comme cils qui ha ſi grant deſir de vous veoir, que cuers ne le porroit penſer ne bouche dire. Et vous porrés ſavoir que je vous ay atendu .iii. jours en tel eſtat comme Dieu ſcet, & en tel martire : ſi vous ſuppli humblement & pour Dieu, que vous vueilliés penſer comment je vous puiſſe veoir, ou moy mort. Et quant à la bonne volenté que vous avés de faire choſe qui me doie plaire & donner confort, je ne vous en ſay ne puis mercier auſſi comme je le vorroie faire ; car je n’en ſuis mie dignes. Et quant à voſtre honneur[1] que j’aim plus .c. fois que ma vie, jà Dieus ne me doinſt tant vivre que par moy ne par mon fait, elle ſoit en peril en tout ou en partie : car, par Dieu, je l’aim & ameray & garderay, tant comme je vivray ; ne je n’aray penſée du contraire. Et, par la foi que je vous doy, que j’aime .c. fois mieus que moy n’autrui, j’ameroie mieux mort premiere & ſeconde, que faire ne dire choſe dont elle fu empirée ne amenrie. Mon tres-dous cuer, je ſuis à hoſtel où je fui l’autre fois ; mais, pour Dieu, mon tres-dous cuer, vueilliés penſer comment je me partiray de vous & qu’il n’i ait que vous & moy, ſe vous poez bonnement : car, par m’ame, le partir de vous me ſera ſi dur que j’ay tres-grant doubte que je ne le puiſſe endurer. Si que s’il y avoit eſtranges gens, chaſcuns ſe porroit percevoir de ma maniere & je ne le vorroie pour riens qui peuſt avenir. Hélas ! mon dous cuer, vous m’eſcriſiés que pour moy veoir ſouvent vous vorriés eſtre en petit eſtat aveuc

  1. Par honneur, ils entendent toujours, bon renom, réputation.