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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/19

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iii
SUR LE POËME DU VOIR-DIT.

La jeune Peronnelle paſſoit le temps que ne

    paſſer dans une famille roturière. Pour juſtifier une telle imputation, il faudroit au moins reproduire l’acte de ce don de la ville, dont on ne peut même indiquer la date. Qu’une branche, un ſimple rejeton de la famille Orſini, ait poſſédé une maiſon & des propriétés dans la ville & les environs de Troyes, alors centre des relations commerciales de l’Italie avec la France, en raiſon des foires de Champagne ; que ce rejeton ait affecté le nom plutôt italien que françois de Jouvenel, cela n’auroit rien d’invraiſemblable ; les Orſini, les Juſtiniani & les autres grandes maiſons d’Italie ont ainſi changé de noms autant de fois qu’ils ont formé de branches diſtinctes. Il ne ſuffit donc pas d’alléguer ſans preuves ou, pour mieux dire, de ſuppoſer la donation d’un hôtel des Urſins, pour avoir droit de conjecturer que tel ſeroit l’unique fondement de la priſe de poſſeſſion du nom & des armes des Orſini, par de graves & illuſtres perſonnages, tels que Jean Jouvenel, prévôt des marchands, chancelier du duc de Touraine & préſident au Parlement ; Guillaume Jouvenel, chancelier de France ; Jacques Jouvenel, archevêque de Reims, &c., &c. Ce n’eſt pas d’ailleurs, comme le prétend Groſley, l’archevêque de Reims Guillaume des Urſins (ou plutôt Jean II) qui auroit le premier voulu relever la nobleſſe de ſa famille ; c’eſt le Moine de Saint-Denis, auteur de l’Hiſtoire de Charles VI (que Jean II n’a fait que ſuivre dans la ſienne). Ce premier annaliſte racontant comment, en 1388, le duc de Guyenne avoit choiſi Jean I de Jouvenel pour ſon chancelier, s’exprime ainſi : « Joannem Jouvenelli, virum utique ſcientificum & a generoſis proavis ducentem originem… » Eſt-ce du petit-fils d’un roturier de Troyes qu’auroit ainsi parlé ce grave hiſtorien contemporain ? Ajoutons que Sanſovino, dans ſa Storia della caſa Orſino, 1505, in-fo, n’a pas héſité à reconnoître dans les Jouvenel françois une branche des Orſini ; que dès 1450, le cardinal Orſini proclamoit déjà leur communauté d’origine ; & qu’enfin Sauval, dans ſes Antiquités de Paris, ne paroît pas en douter davantage : « Juvenal des Urſins, dit-il, prevot de Paris, avoit ſon logis derrière Saint Denys de la Chatre, qui porte encore le nom d’hotel des Urſins. On dit que la ville lui en fit préſent. Et ce fut là, qu’en 1394, les faux témoins ſoulevés par ſes ennemis vinrent, tous nuds, enveloppés simplement d’un drap, lui demander pardon à genoux. » (T. II, p. 245.) Sauval ne dit-il pas ici implicitement que la maiſon, donnée ou non donnée, portoit le nom d’hôtel des Urſins, depuis qu’elle avoit appartenu aux Jouvenel ? En voilà bien aſſez ſur ce point.