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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/190

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[vers 3151]
LE LIVRE

Je reçus ceſte lettre cy
Droit en la ville de Crecy.[1]
Là fu le duc de Normendie,
Mon droit Signeur, quoy que nuls die.[2]
Car fais ſuis de ſa nourriture,[3]
Et ſuis ſa droite créature.
Et quant je les os pourvéu,
Et .iii. fois ou .iiii. léu,
Je ne péuſſe ſouhaidier
Riens qui tant me péuſt aidier
À ma maladie amoureuſe.
Car ma dame m’eſtoit piteuſe,
Et me promettoit franchement
Joie, pais & alligement,
Par vraie & juſte experience :
Si que je n’avoie grevence
Ne riens nulle qui me fuſt dure ;
Ains vivoie en plaiſance pure,
Pour ce que par amours l’amoie.
Et, en ce plaiſir, je penſoie
À ſa grant biauté ſouveraine,
Qu’ele eſt trop plus belle qu’Elaine ;
Et encor plus à ſa bonté
Dont je vous ay aſſez compté.
Si faiſoie concluſion,
Selon ma ſimple opinion,
Qu’on doit priſier les choſes belles,

  1. Apparemment Crécy en Brie, à deux lieues de Meaux.
  2. Nuls, c’eſt-à-dire ceux de la faction du roi de Navarre. — Cette lettre fut écrite près d’un an avant le 8 avril 1364, date de la mort du roi Jean.
  3. Je crois que par ces mots « de ſa nourriture », il entend « de ſa maiſon ».