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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/192

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[vers 3205]
LE LIVRE

Car c’eſt leur meſtier, c’eſt leur ordre :[1]
Si ne ſe doivent pas amordre
À eulz abſenter ne fuyr,
N’en ce nuls ne les doit ſuyr.[2]

En monde n’a ſi belle dame
Que s’elle ſe jette en diffame,
Tant qu’en perde ſa renommée
Par ſon deffaut, que mains amée
N’en ſoit, & ſouvent mains priſie,
Et qu’on ne la hée & maudie,
L’eure & le jour qu’elle fu née,
Quant elle s’eſt ainſi portée ;
Et qu’honneur touſdis ne la fuie,
Plus que chas ne fait iaue ou pluie ;
Au mains, tant comme elle ſera
En l’eſtat qu’honneur deffera.

Pour ce, di veritablement
Que li ſage communement
Aiment les gens pour leur bonté,
Aſſez plus que pour leur biauté.
Car grant biauté eſt une grace
Des menres que nature face.
Dont ſe je l’aim & belle & bonne,
(Et chaſcuns bons ce nom li donne,)

  1. C’eſt leur office, le devoir de l’ordre de chevalerie de bien combattre.
  2. Machaut parloit auſſi librement, ſix ou ſept ans après la funeſte bataille de Poitiers (19 ſeptembre 1356). « Pluſieurs des batailles de la partie du roi de France, tant chevaliers comme eſcuiers, s’enfuirent vilainement & honteuſement ; & dient aucuns que pour ce fu l’oſt du Roi deſconfit. » (Grandes Chroniques de France, t. VI, p. 33.)