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Page:Machaut - Le Voir Dit, 1875.djvu/195

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DU VOIR-DIT.

Et lors me diſt en ſouſriant :
« Se vous eſtiés le roy Priant
« Si, vous faites-vous bien attendre. »
Et je reſpondi, ſans attendre,
À mains jointes & à genous :
« Douce dame, faites que nous
« Demenions amoureuſe vie ;
« Et qui ſcet bon mot ſi le die :
« Ves-me cy, je le vous amende. »
Et la belle reçut l’amende.
Là parlames de nos amours,
Des griés, des peines, des clamours
Que Deſirs fait aus vrais amans,
Et aus dames qui ſont amans ;
Comment il vient lance ſur fautre
Aſſembler à l’un & à l’autre ;
Comme il les aſſaut & detaille
De ſa lance dont li fers taille ;
Comment il les navre & deffent,
S’Eſperance ne les deffent.
Mais moult ſouvent le pris emporte
Deſirs, quant Eſperance forte
N’eſt contre li, pour bien combatte.
Lors convient ſa baniere abatre,
Et douce Eſperance eſtre en fuite,
Pour ce que ſcet trop po de luite.
Là eſt li amans entre piés ;
Car autreſſi com uns trepiés[1]
De quoy on fait moult grant eſſart,

  1. Un trépied de cuiſine. Les queux s’en ſervoient fréquemment pour frapper, aſſommer ; comme dans le Lai d’Havelok : « ad trepez & ad chauderons. » (Éd. de F. Michel.)