Mais onques ſi bonne journée
Ne fu pour amant adjournée.
Car ma dame diſt : « J’ay ſommeil
« Si grant, que toute m’en merveil,
« Et trop volentiers dormiroie,
« S’une chambre & un lit avoie. »
Il avoit là un ſergent d’armes,
Qui avoit beu juſques aus larmes
D’un trop bon vin de Saint-Pourſain ;[1]
Chaſcuns le teſmoingne pour ſain,
Mais il le faiſoit chanceler,
Si qu’il ne s’en pooit celer.
Li ſergens dit : « Par Saint Guillain !
« Il ha près de ci un villain
« Qui demeure au bout de la ville :
« Il ne penroit ne crois ne pile ;
« Et s’a une belle chambrette
« À .ii. lis, qui eſt aſſés nette,
« Où bien ſerez & à couvert :
« Et ſi ara de l’erbe vert.[2]
« Venés-ent, je vous y menray,
« Et le chemin vous apenray. »
Ma dame li diſt : « Je l’acort. »
Si fuſmes tuit en ceſt acort.
Devant ala & nous après,
Qui le ſiviens aſſés de près.
- ↑ Petite ville d’Auvergne ſur la Sioule, à cinq ou ſix lieues de Gannat. Ses vins, autrefois ſi recherchés, conſervent encore une certaine réputation. Saint Pourçain vivoit en Auvergne au ſixième siècle.
- ↑ Remarquez cette herbe verte dont les chambres étoient jonchées ; & ce vilain, aſſez aiſé pour avoir une belle chambre à deux lits qu’il offre aux étrangers, ſans exiger de ſalaire.